Evasion fiscale : 3 ministres des finances écrivent au Commissaire

Publié le par Benoit

Evasion fiscale : 3 ministres des finances écrivent au Commissaire

Le 28 novembre dernier, les Ministres des finances allemand, français et italien écrivent au Commissaire en charge de la fiscalité, M. Moscovici (voir la lettre en anglais).

Certes il s'agit d'une lettre écrite à 3 mains, mais de fait, le Ministre français envoie une lettre au commissaire de nationalité française... en anglais... !

Je vous mets en garde, je ne suis pas un interprète ou un traducteur :

"Monsieur le Commissaire,

Le manque d'harmonisation fiscale dans l'Union européenne est une des causes principales qui permet aux stratégies fiscales agressives, à l'érosion des bases d'imposition et aux transfert des profits (BEPS : l'acronyme anglais) de se développer dans le marché intérieur. Cette situation peut conduire à des comportements peu coopératifs entre les États-membres, ce qui affecte directement les fondations et le fonctionnement du marché intérieur ainsi que les libertés prévues par les Traités.

Nos concitoyens et nos entreprises veulent que nous luttions contre les fuites fiscales et les stratégies fiscales agressives. C'est notre devoir à tous d’accéder à leurs attentes en leur assurant que chacun paye ses impôts à sa juste proportion aux États dans lesquels il a généré ses profits.

Des progrès intéressants ont déjà été réalisés, spécialement ces 6 derniers mois, mais désormais nous avons besoin d'aller plus loin. En effet, il est évident qu'un point de non retour a été atteint dans les discussions autour de l'injuste concurrence fiscale et des BEPS dans l'UE dont les résultats produisent des effets indésirables et compromettent la réalisation du marché intérieur. Depuis que certaines pratiques fiscales, des pays comme des contribuables, ont été rendues public, les limites de la concurrence fiscale entre les États-membres ont changé. Ce processus est irréversible.

Nous apprécions pleinement la réaction rapide de la Commission après les récentes révélations sur les rescrits fiscaux. Désormais, nul ne peut nier le fait qu'un réel besoin d'actions concrètes se fait sentir, nous obligeant à prendre collectivement des mesures indispensables pour assurer la transparence et la justice face à l'impôt.

Compte tenu des conclusions auxquelles sont arrivés l'OCDE et le G20 sur les BEPS pour la fin 2015, l'UE devra répondre par l'adoption de règles communes et obligatoires sur la taxation des entreprises afin de maîtriser la concurrence fiscale et de se battre contre les stratégies fiscales agressives.

Nous, Ministres des finances français, allemand et italien, sommes convaincus que cela ne pourra aboutir sans une directive globale contre les BEPS adoptée par les 28 États-membres et ce, avant la fin 2015. Le diagnostic est fait, les solutions sont d'ores et déjà connues, nous devrions donc agir sans délai.

Premièrement, le manque de transparence entre les administrations fiscales encourage les stratégies fiscales agressives, leurs décisions peuvent avoir un impact sur la localisation de impôts dans le marché intérieur. La proposition de la Commission qui vise à rendre les échanges obligatoires et automatiques d'informations sur les décisions fiscales transfrontalières devraient dans le même temps porter sur des conditions et des règles plus strictes pour la délivrance de telles décisions unilatérales.

En sus, nous avons une réelle occasion d'aller plus loin dans ce domaine. Par exemple, la législation européenne pourrait faire davantage contre les monopoles, les sociétés écran et les autres sociétés opaques, en établissant des registres ou d'autres mécanismes qui permettraient à l'administration fiscale d'identifier les bénéficiaires. La directive devrait comporter des obligations pour les entreprises européennes de déclarer toute restructuration transfrontalière comme d'autres opérations d'ailleurs.

Deuxièmement, la transparence n'est pas suffisante. On ne peut absolument pas admettre qu'il soit possible de se servir indûment des libertés dont les traités nous ont dotés pour perdre les traces de l'impôt sur les bénéfices.

En conséquence, les exonérations permises par la directive sur les intérêts et les redevances et celle sur les sociétés mères et leurs filiales [toutes deux votées en par le Parlement et le Conseil 2003] devraient être abrogées si elles aboutissent à l'absence d’imposition. A ce propos, il est particulièrement crucial d'éviter la double non-imposition dans n'importe quelle situation transfrontalière.

Assurément, la directive anti-BEPS devrait garantir au niveau européen que les impôts sur les bénéfices ne soient pas fixés via des arrangements indécents. Donc, notre travail pour une disposition commune et générale contre les abus doit aboutir et doit être intégré dans la législation européenne.

En respectant les dispositions nationales portant par exemple sur la fiscalité des brevets, nous devrions construire cette législation sur les bases définies par l'OCDE et le Code de Conduite des multinationales, nous devrions aussi construire un cadre obligatoire sur des règles communes.

Enfin, l'Union européenne a besoin de protéger son marché intérieur des évasions fiscales via des paradis fiscaux. La directive anti BEPS sera une opportunité pour fixer des contre-mesures face aux juridictions dont le comportement encourage l'opacité et les stratégies fiscales agressives. De la même façon que pour le premier point, l'UE pourrait profiter du travail réalisé par le Forum mondial [groupe de travail de l'OCDE sur les paradis fiscaux] sur la transparence et sur les échanges d'informations.

Cette initiative forte prise par l'UE, qui pourrait être proposée dès la fin 2014, donnerait à l'Europe la place de leadership qu'elle mérite au niveau international. Nous pourrons en profiter pour obtenir des avancées dans le cadre des discussions au sein de l'OCDE et du G20.

Cordialement."

Les ministres des finances allemand, français et italien : Michel Sapin, Wolfgang Schaüble, Pier Cardi Pardoan

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